L’APPEL AUX INVESTISSEURS ETRANGERS ;
LE DEFI DU BKPM.
PAR PHILIPPE RAGGI (23 NOVEMBRE 2001)
Le vendredi 23 novembre 2001, Théo F. Toemion, le récemment nommé à la tête du Comité indonésien de coordination des investissements (BKPM, Badan Koordinasi Penanaman Modal), venait à Paris dans le cadre de sa campagne pour relancer les investisseurs étrangers afin qu’ils s’installent et fassent désormais confiance au nouveau gouvernement de Megawati et à sa politique de réforme.
C’est à l’Ambassade d’Indonésie à Paris, que le chef du BKPM s’est entretenu avec différents journalistes et représentants du monde économique français. Son message est clair et direct : faire savoir que l’Indonésie a besoin d’investissements étrangers pour faire face à la queue du cyclone qu’à pu être la crise financière asiatique de 1997, et que ces investissements peuvent désormais s’opérer dans les meilleures conditions possibles ; pour Théo F. Toemion, le moment est maintenant opportun pour les deux parties (investisseurs étrangers et République Indonésienne).
Le BKPM est en train de travailler à de nouvelles lois afin que les entreprises voulant travailler dans l’archipel se voient faciliter les procédures administratives pour l’obtention d’un permis de travail. C’est dans le courant d’une réelle libéralisation de l’économie indonésienne que ces projets de lois vont être soumis au parlement (DPR) dès janvier prochain. Toujours dans ces projets de lois, la mise en place d’une équité totale des entreprises étrangères par rapport aux entreprises locales, les investisseurs étrangers pouvant œuvrer dans tous les domaines, sans restriction ; deux grands secteurs sont néanmoins ouverts en priorité à toutes les bonnes volontés : l’électricité et le téléphone.
Voulant faciliter l’implantation des sociétés étrangères, le BKPM est en train de mettre en place un système " à une seule porte " afin de réduire au plus court et au plus simple les formalités administratives d’inscription au registre du commerce. Mais le BKPM travaille de concert avec un organisme français (l’OCIFA, l’Organisation pour la Coopération et l’Investissement entre la France et les pays d’Asie/Pacifique ; filiale internationale du MEDEF) afin de mettre en place un dispositif de soutien concret aux entreprises voulant s’installer en Indonésie ; cela se traduit par une large information sur la réglementation indonésienne en matière d’investissement ; l’identification de partenaires, soit indonésiens soit français ; l’analyse et la sélection des partenaires potentiels ; l’étude de pré-faisabilité des projets ; l’assistance à la négociation et à la préparation des contrats ; enfin, la préparation des dossiers à remettre aux autorités pour obtenir les autorisation d’implantation en Indonésie.
Ce Comité de coordination des investissements n’est pas un organisme de plus dans le nouveau gouvernement recelant une parcelle de pouvoir mais bien une " agence de marketing ", a tenu à préciser Théo Toemion ; les mots d’ordre n’étant plus comme par le passé " argent et pouvoir " mais " Service ". Il nous faut clore un chapitre (celui de l’Ordre Nouveau soehartien) et à présent en ouvrir un autre (celui de la réforme et de la démocratisation comme de la libéralisation), annonce Théo Toemion.
Le BKPM, en œuvrant dans le sens de la déconcentration, est bien sûr en relation avec les ministères concernés (Finances, Industrie, Direction Générale des Impôts, Petites et Moyennes Entreprises, à l’Autonomie Régionale et des Entreprises d’Etat) mais aussi avec les acteurs locaux bénéficiant, depuis la mise en place des lois sur l’autonomie régionale (en janvier dernier), de plus grands pouvoirs. C’est ainsi tout un système de relais et d’antennes qui est mis en place.
Le BKPM, tout comme les Ministères du Cabinet de Megawati, travaille à la création de conditions les plus favorables aux investisseurs étrangers, ces points importants étant la stabilité politique, la sécurité, la fin des pratiques de corruption (désignée dans le vocabulaire indonésien KKN, Kolusi, Korupsi, Nepotism) et le respect des lois.
Force est de constater que le premier point est rempli malgré la vision déformée de la réalité donnée récemment par certains médias locaux et internationaux après les manifestations de quelques centaines d’islamistes radicaux dans les rues de quelques grandes villes du pays, des manifestations ridicules par leur nombre de participants eu égard aux 204 millions d’indonésiens pacifiques et tolérants. Quant à la sécurité, si elle est encore à gagner dans certains endroits de l’archipel (Nord de Sumatra et Moluques notamment), elle existe dans le reste de l’archipel, et d’autant plus dans la grande île de Java qui rassemble 70% de la population indonésienne. Pour ce qui est de la corruption, de nouvelles lois passeront devant le Parlement (DPR) très prochainement pour éradiquer le mal (l’Indonésie a puisé dans le modèle chinois drastique et sans état d’âme en la matière) ; il en est de même pour le respect des lois. Certes, avoue Toemion, cela prendra du temps pour que les mentalités changent en profondeur, mais la direction est donnée, le premier pas est fait. Il est vrai que ces soucis épargnés, l’Indonésie possède toutes les potentialités nécessaires (ressources minières, agricoles ; ressources humaines, etc. ) à même de prouver ses qualités de dragon asiatique.
Si le chef du BPKM est venu en France, après un premier voyage de même nature en Thaïlande, c’est avant tout pour assurer la promotion de son pays auprès des acteurs économiques français ; la France précise Toemion, a une très bonne connaissance des PMI. Mais ce passage à Paris réside aussi dans le fait que, pour Toemion et les membres du gouvernement de Megawati, " la France est la porte de l’Europe " ; le chef du BKPM a profité de l’occasion pour saluer les sociétés françaises qui, malgré la crise, sont restées sur le territoire indonésien, faisant flotter les trois couleurs sans faillir, et qui ont en définitive récolté les fruits de leur ténacité (comme Carrefour qui s’est implanté en plaine crise asiatique d’abord dans la capitale et qui possède aujourd’hui plusieurs grands centres prospères sur Java). Mais beaucoup d’autres entreprises françaises – grosses et moyennes – sont présentes dans l’archipel ; citons parmi les plus importantes : Total et Danone.
L’impression donnée par Toemion et son équipe est positive ; elle est à l’image de son gouvernement, constitué en juillet dernier, qui recèle un " pôle " économique très poussé composé d’économistes de réputation confirmée, comme Dorodjatun Kuntjoro-Jakti (Ministre Coordinateur des affaires économiques), Boediono (en charge des Finances), Rini Soewandi (Ministre du Commerce et de l’Industrie), Alimarwan Hanan (chargé des coopératives et des PMI), Laksamana Sukardi (aux Revenus et aux Entreprises d’Etat).
Après avoir franchi le pas démocratique en 1998 avec le départ de Suharto, connu une courte et nécessaire phase de transition avec Abdurrahman Wahid à partir de 1999, le nouveau Gouvernement indonésien qui s’est mis en place début août 2001 semble prendre un nouvel élan et remettre l’archipel sur les bons rails à destination de la prospérité et du travail. Pilier et membre de droit de l’ASEAN, l’Indonésie veut donc retrouver son souffle de dragon grâce aux investisseurs étrangers – et particulièrement français –, et l’on ne peut que souhaiter courage et réussite à cette entreprise en forme de défi.