AVANT-PROPOS
L'Indonésie est le pays en crise de l'Asie en crise.
Et cependant la situation, même si elle n'est pas brillante,
est loin d'être aussi dramatique que la décrivent complaisamment
les médias américains et français, qui, sans sortir
de la capitale, n'y auraient vu que des émeutes. En réalité,
tout juste un petit sentiment d'insécurité, le soir à
Jakarta, plus ou moins justifié selon les quartiers.
Revenons quelque peu en arrière.
Le 21 mai 1998, le général Suharto, qui venait, après
32 ans de pouvoir autoritaire, d'être réélu pour la
septième fois, accepte de quitter la présidence de la République
Indonésienne sous la pression de la population (les
émeutes qui se sont produites du 12 au 14 mai ont fait plus de 1
200 victimes.) et laisse le pouvoir à
Bacharuddin Yusuf Habibie, Vice-président, chargé selon la
Constitution de remplacer le Président empêché.
Quelles sont donc les causes de la crise qui secoue le pouvoir jusqu'au
sommet ?
Le poids des causes extérieures a été déterminant,
car l'économie indonésienne, très extravertie, a été
frappée par la chute de sa monnaie. La crise a entraîné
l'intervention du FMI, dont on peut penser qu'elle aurait pu être
plus efficace en étant plus adroite, soulevant une population ulcérée
par l'arrogance de l'institution.
Les causes internes ont facilité voire accéléré
le processus : 1) un système bancaire boiteux, la dérégulation
de 1988 ayant provoqué la prolifération
d'établissements créés (d'une
vingtaine avant 1988 à plus de deux cents.) et
fonctionnant sans grande rigueur, 2) le népotisme, ouvert car quasiment
traditionnel (dans le fil d'une tradition séculaire
: les princes javanais avaient " leurs marchands î, la Compagnie
des Indes néerlandaises puis la République en ont prolongé
la pratique ) . Sans être à l'origine
des mécomptes, il a cependant alourdi la situation en freinant les
décisions qui auraient du être prise, 3) les élites,
"faites" par Suharto, ont considéré qu'il ne leur était
plus utile.
Ce point constitue un sérieux handicap pour Habibie à
qui l'on reproche d'être le "clone" de Suharto, dont il avait été
l'élève avant d'en être le dauphin. Il doit aujourd'hui
faire face à une crise économique grave, une situation sociale
instable et une menace politique sérieuse. Le pays attend en effet
un changement profond plus qu'une simple série de réformes
( il ne faut pas se laisser leurrer par le mot "reformasi"
utilisé par les Indonésiens, car il est plus fort que son
faux homologue français : les "réformistes" se partagent
en deux camps , celui des réformistes modérés (en
faveur d'une évolution maîtrisée) et les réformistes
radicaux, en fait, de véritables révolutionnaires).
I
- LA SITUATION ÉCONOMIQUE ET SOCIALE EN JANVIER 1999
L'économie avait très honorablement progressé de
1965 à 1997, le revenu par habitant passant de 60 à 1 200
dollars par an (3 500 en parité de pouvoir d'achat). Or, en 1998,
le pouvoir d'achat est brutalement divisé par trois. Il a fallu
jusqu'à 15 000 roupies pour un dollar, alors que l'année
précédente, il en suffisait de 2 500. La situation s'améliorant
tant bien que mal, le cours est remonté, se stabilisant aux alentours
de 8 000 roupies par dollar, soit un revenu de l'ordre de 900 dollars par
habitant et par an.
La crise a gravement frappé les deux extrémités
de la chaîne sociale, car les plus riches ont été ruinés
par l'effondrement de la Bourse tandis que de nouveaux pauvres sont apparus.
Avant le mois de mai 1998, la proportion de ceux qui vivaient sous le seuil
de pauvreté, selon les critères de la Banque mondiale (moins
de 1$/j), était évaluée à 10% environ d'une
population de près de 200 millions d'habitants, on l'estimait, fin
1998, à 40 %. Ce bouleversement explique aisément les violences
qui se sont manifestées à l'automne. Parmi les facteurs aggravants
: l'absence de dispositions sociales et l'impossibilité du retour
au village, refuge resté longtemps traditionnel par temps difficile.
Trente ans de migrations rurales, fortes et continues, ont en effet distendu
les liens et modifié le poids relatif de la ville aux dépens
de la campagne. De plus, la détérioration des conditions
climatiques (El Nino, qui apporte, d'une manière récurrente
depuis plusieurs années, la sécheresse sur ce versant du
Pacifique, tandis qu'à l'inverse, El Nina se traduit par des précipitations
excessives, avec son lot d'inondations et d'érosion des sols)
a eu pour conséquence un appauvrissement de la société
rurale peu favorable à l'accueil des parents partis travailler en
ville. Alors que la recherche du consensus était la règle
en Indonésie, les violences ont pris un caractère interethniques
brutal. Pillage de magasins chinois, incendies d'églises
(ceci n'est pas réellement nouveau, car depuis l'indépendance
en 1949, près de cinq cents églises ont été
brûlées, c'est la liberté de la presse, acquise ces
derniers mois, qui jette une lumière subite sur ces débordements
attisés par la crise) construites en milieu
musulman, le dynamisme des chrétiens (9 % de
la population totale, mais 15% à Java)
attirant la jalousie. Mais aussi de mosquées, à l'est de
Bali, par exemple, où les chrétiens forment 75 % de la population.
Dans ce contexte général, il convient de distinguer deux
"Indonésie", dont les réactions à la crise sont à
l'opposé. D'une part, Java. La surpopulation chronique
(60 % d'une population de 200 millions d'habitants y vit sur 7 %
du territoire national. Java s'accroît annuellement de 1 800 000
h.), en elle-même source de tensions, se conjugue
avec une concentration de population ouvrière ( l'abondance d'une
main d 'oeuvre bon marché à Java explique pour une part que
l'industrie s'y soit développée et concentrée) , directement
affectée par l'effondrement du système bancaire et la perte
de valeur de la monnaie. Cette Indonésie ressent pleinement la crise.
D'autre part, le reste de l'Archipel, aux ressources naturelles abondantes
(forêts, mines, pétrole, plantations) et sous-peuplé,
demeure relativement prospère. L'exportation d'huile de palme, de
café, de cacao, pratiquée en dollars, permet d'encaisser
plus de roupies qu'auparavant (jusqu'à 15 000 au lieu de 2
500 par $), ce qui, malgré une indéniable érosion
monétaire, laisse des marges confortables. De plus les mesures prises
par le gouvernement Habibie commencent à faire sentir leurs effets.
Cette situation contrastée est peu ou mal rapportée
par la majorité des médias. La dispersion même des
opérateurs économiques dans l'immensité de l'archipel
indonésien s'y prête mal, à l'inverse des événements
observés dans la capitale où séjournent la plupart
des journalistes.
Conclusion provisoire
A l'instar de ce qui se passe en Corée et en Thaïlande,
où le FMI est intervenu, quelques indices positifs peuvent être
observés en Indonésie. Le taux de la roupie s'est stabilisé
par rapport au dollar, l'inflation a rapidement régressé
et tendait vers zéro à la fin de 1998, le montant des exportations
(52 MM$) n'a été inférieur que de quelques points
seulement (de l'ordre de 1,5 %) à celui de 1997, alors que l'on
s'attendait à une chute importante du fait de la crise bancaire.
Le système bancaire, précisément, est en voie d'assainissement,
avec une politique de fermeture des établissements défaillants,
visant à ramener leur nombre à la cinquantaine. L'aide internationale
est de retour. Mais le ratio du service de la dette extérieure atteint
presque 50%.
Pour que le rétablissement économique se confirme, il
va falloir que la stabilité politique ? cruciale au regard de la
confiance des investisseurs internationaux ? sorte des urnes en juin prochain.
II - LA SITUATION
POLITIQUE
La session spéciale de l'Assemblée du peuple
de novembre 1998
L'Assemblée Consultative du Peuple est l'instance suprême
du pays. Sa session spéciale du 13 novembre dernier avait pour objet
d'entériner les réformes proposées par le gouvernement
sous la pression populaire, exprimée notamment par les étudiants.
Mais, après une accalmie qui durait depuis juin 1998, ceux-ci contestent
la validité de cette Assemblée "d'ancien Régime" et
entendent imposer des réformes plus radicales. Parmi leurs objectifs,
deux leur paraissent importants : traduire en justice le général
Suharto pour enrichissement illicite, le système Suharto, dont la
fortune est évaluée à 40 millions de dollars, ne consistant
pas à puiser directement dans les caisses de l'État, mais
à travers des fondations charitables, alimentées par les
hommes d'affaires d'origine chinoise (les cronies), priés de verser
leur obole en reconnaissance de la passation de contrats d'État.
Ce système a été mis en place en 1966 avec Liem Sioe-Liong,
l'homme aujourd'hui le plus riche d'Indonésie après avoir
obtenu la moitié du monopole d'importation du clou de girofle, l'autre
moitié revenant à un frère de Suharto. NB les cigarettes
indonésiennes sont parfumées au clou de girofle.
et mettre un terme à la double fonction, politique et défense,
accordée à l'armée pour justifier une présence
prolongée, devenue sans objet, dans le législatif.
Les réformistes modérés, non représentés
à l'Assemblée, disent leur accord avec les revendications
des étudiants, mais font admettre qu'un calendrier de mise en oeuvre
étalé sur six ans serait raisonnable et, qu'en tout état
de cause, il convenait de laisser le Président Habibie gérer
au mieux les affaires jusqu'aux élections de juin 1999.
La situation en janvier 1999
Pour renforcer sa position dans un laps de temps court, Habibie affronte
une situation politiquement explosive. D'une part, il doit faire le jeu
de la réforme en sortant le pays d'une longue période de
presse contrôlée et de parti quasiment unique, le Golkar.
D'autre part, en établissant les libertés fondamentales (libre
création de partis et d'organisations syndicales, liberté
d'expression et de manifestation), il s'expose à une explosion qui
risque de lui coûter cher. Un exemple parmi d'autres : la liberté
retrouvée de la presse fait apparaître une réalité
longtemps contenue sous le boisseau au nom de l'unité du pays :
les conflits interethniques. Il en résulte une "sur-réaction"
des lecteurs qui attise les désirs de revanche et parcontagion,
le danger d'extension de conflits limités. Un pays où la
vie en commun était traditionnellement réglée par
le consensus ne semble plus savoir gérer les différences
d'opinion dans la sérénité.
Les élections
de juin 1999 : quatre partis
Les élections législatives de juin vont doter l'Indonésie
d'un Parlement largement renouvelé et doté d'une nouvelle
légitimité, qui permettra de former la nouvelle Assemblée.
Celle-ci devra, à partir du mois d'août 1999, élire
le Président de la République. Dans quel contexte les élections
législatives vont-elles se préparer ?
D'abord, un mot sur le système électoral. La période
précédente, celle de Suharto était placée sous
le signe de la proportionnelle, largement manipulée par le Chef
de l'État. Discrédité, ce système devait, en
juin prochain, être remplacé par un scrutin de circonscription
à un tour. Mais avec un grand nombre de partis, cette option semble
irréaliste. Il y a donc discussion. La proportionnelle avec seuil
à franchir pourrait être reconsidérée avec faveur,
car le pouvoir absolu ayant disparu, les risques de manipulation se sont
réduits et, d'autre part, c'est le meilleur système pour
se compter. Se compter est un enjeu stratégique pour la multitude
de partis qui viennent d'apparaître dans le contexte d'ouverture
qui prévaut depuis peu.
On en estime en effet le nombre à plus de cent cinquante. Une
caractéristique commune : se voulant rassembleurs, ils parlent tous
au nom du peuple indonésien tout entier. Leur nombre et leur dispersion
renforce implicitement la position du Président Habibie tant que
l'importance de leurs électorats respectifs ne sera pas révélée.
Cependant, quatre partis s'imposent par la personnalité de leurs
leaders et le nombre de leurs adhérents potentiels.
Le Golkar, créé en 1964 et au pouvoir depuis 1966. C'est
le parti du Président. Le Parti Démocratique Indonésien
est mené par la propre fille de Sukarno, Mégawati, dont le
charisme est grand dans le pays et qui n'avait pas craint d'affronter Suharto
à plusieurs reprises. Le parti d'Amien Raïs, grand libéral
et dirigeant courageux, veut séduire la bourgeoisie urbaine. Il
pourrait pâtir du passé intégriste de son leader ..
(Amien Raïs avait fréquenté l'université de Chicago,
où se sont formés un certain nombre d'intégristes,
avec une thèse sur les Frères musulmans égyptiens)
Le troisième parti est celui de A. Wahid ("un" en arabe), traditionnaliste,
respecté par les chrétiens, proche de celui de Mégawati.
Émanation d'une association mussulmane, compte 35 millions de membres,
il pourrait par opportunisme politique, faire alliance avec le Golkar d'Habibie.
À ce jour, ce dernier ou Mégawati ont donc des chances de
l'emporter.
Quatre scénarios peuvent être bâtis aujourd'hui.
Le scénario institutionnel verrait la victoire de Habibie.
Ses atouts sont considérables et profiteront directement au Golkar,
crédité de 30 % des voix, face à une opposition éparpillée.
Il vient en effet d'être légitimé jusqu'en juin par
l'Assemblée. Le Golkar a eu l'habileté de demander pardon
pour ses fautes tout en conservant la main sur l'essentiel des structures
et des sources de financement, essentielles pour distribuer les enveloppes
électorales. Il a su écarter ses membres les plus hostiles
aux réformes. Enfin, il a la faveur de l'armée et pourrait
rallier in fine Mégawati Sukarno, à qui son nom et
sa modération lui permettent de disposer également d'un bon
crédit auprès des militaires.
Le scénario "putsch" : bien que discréditée
par les exactions commises dans les opérations de police dans les
franges du pays, l'armée prend le pouvoir à la demande d'une
population désireuse de voir l'ordre public restauré après
une période troublée, pendant laquelle elle aura pu assimiler
démocratie avec disette et conflits interethniques. L'ancien régime
était certes corrompu, mais il assurait la prospérité.
Ce serait, en quelque sorte, le scénario birman.
Le scénario islamique : les musulmans, à majorité
sunnite, mais syncrétiques, sont restés discrets au long
de la crise financière. L'islamisation pourrait radicaliser la pratique
traditionnelle de la religion. Et la crise sociale qui en découle
pourrait amener à mettre l'accent sur la recherche d'un ordre religieux
qui se transformerait vite en argument électoral. Cependant, Bacharuddin
Yusuf Habibie, tout en étant plutôt séculier, sait
épouser cette tendance et la contrôler discrètement.
Le scénario de la balkanisation : l'éclatement
du pays, redouté un moment, ne semble plus constituer un risque
sérieux, et ce malgré les crises intercommunautaires et les
conflits dans les marges du pays (Timor, Irian-Jaya, Sumatra/Aceh, Moluques).
À la demande effective de régionalisation, le pouvoir indonésien
est capable de trouver des solutions à l'indienne sans accéder
à celle du fédéralisme. Les raisons historiques de
l'unité mobilisent toujours l'armée, qui y tient plus qu'à
la démocratie. La Chine pourrait avoir intérêt à
soutenir les mouvements séparatistes pour faciliter sa politique
maritime, mais en revanche, aurait à redouter la contagion sur son
propre territoire, sans compter sur une complicité passée
avec Suharto et reportée sur Habibie.
L'armée, garante de l'unité nationale
Le haut lieu de la formation des officiers de l'armée indonésienne
est l'Académie militaire de Magelang, ville situé au centre
de l'île de Java. On y inculque une très forte éthique
unitaire (la devise de la République Indonésienne : Bhinneka
Tunggal Ika : "L'unité dans la diversité"), voire même
une véritable idéologie du grand État séculier
résumée depuis 1945 dans les cinq principes fondateurs de
la République (Pancasila) que sont la foi en un Dieu, le nationalisme,
la justice sociale, un gouvernement représentatif de la souveraineté
du peuple et l'humanisme. L'armée indonésienne de cette fin
de siècle est l'héritière directe de l'armée
révolutionnaire de libération. La double origine des cadres
de l'armée aurait pu faire craindre que celle-ci ne soit traversée
par des tensions ethniques internes. Il n'en est rien. Si les officiers
sont en effet majoritairement javanais, musulmans mais syncrétiques,
un tiers des officiers généraux sont bataks, bien que cette
ethnie de Sumatra du nord et largement christianisée soit très
minoritaire en termes démographiques (de l'ordre de 2 à 3
% de la population indonésienne). Cependant, l'armée présente
quelques faiblesses. Il s'agit d'une armée aux effectifs infimes
pour un tel pays : 250 000 hommes pour les trois armes, pour la plupart
stationnés à Java pour le maintien de l'ordre. Plus grave,
Suharto, qui craignait la menace d'un putsch à cherché à
l'affaiblir, soit en attisant les rivalités entre chefs, soit en
donnant des prébendes à un certain nombre de hauts responsables,
qui se sont consacrés à leurs affaires plus qu'à leurs
troupes, entamant le crédit moral qui était attaché
à leur institution. Ceci ne remet cependant pas en cause le loyalisme
de la majorité d'entre eux, qui, face aux troubles actuels et aux
critiques dont ils font l'objet, sont obligés de resserrer les rangs.
III
- L'ATTITUDE DES PAYS ÉTRANGERS
Le glissement rapide de la crise de l'économie à la politique,
avec le seul départ d'un Chef d'État de toute la région
a provoqué des réactions concentriques dans le monde.
Le Japon, attentif à l'équilibre régional
et soucieux de maintenir le lien pétrolier vital avec le Moyen-Orient
(les tankers empruntent le détroit de Lombok), participent financièrement
au sauvetage du système bancaire indonésien. La
Chine reste dans une neutralité bienveillante .
Elle avait profité de transferts financiers provenant de l'opulente
société d'origine chinoise de Jakarta. Une intense coopération
existe entre "tycoons" des deux rives (ainsi désigne-t-on
les hommes d'affaires les plus influents d'Asie du sud est . En bon français
: un magnat), originaires le plus souvent de la province chinoise du Foukien
(ou Fujian, province maritime située en face de Taïwan),
ils disposent de leur propre club à Hong Kong. L'argent sino-indonésien,
du groupe Lippo par exemple, passe en effet par Hong Kong, perd sa
nationalité indonésienne et revient se réinvestir
en Indonésie avec les avantages, notamment fiscaux, liés
à l'investissement direct étranger (IDE). Aujourd'hui,
Pékin ménage le nouveau Président et n'a pas,
par exemple, voulu donner d'écho et encore moins réagir lors
des récentes émeutes anti-chinoises qui ont accompagné
la démission de Suharto. En Europe, si la France a mal joué
(sa diplomatie, prise de court, a été dépassée
par les événements entourant la chute de Suharto), l'Allemagne,
où Habibie a passé une partie de sa carrière comme
directeur de la recherche d'un avionneur important (il a fini vice-président
de Messerschmidt Bolkow Blohm ), l'a soutenu dès le début
de son accession à la présidence.
Quant aux États-Unis, son rôle dans la chute de
Suharto semble avoir été tout à la fois déterminant
et complexe. La CIA est incriminée pour avoir, selon Abdulrahman
Wahid, soutenu les étudiants en colère avec une aide de 300
000 dollars, transitant par Unilever. Le New York Times ( relevé
par le Nordic Institut for Asian Studies) rapporte que l'US AID,
l'agence de coopération américaine pour le développement,
aurait versé 29 millions de dollars aux organisations non-gouvernementales
indonésiennes anti-Suharto. En revanche, parmi les filières
du financement asiatique du Président Clinton en 1996, on note la
présence de James Riady (fils de Mochtar Riady, fondateur
de la Lippo Bank, deuxième groupe financier d'Indonésie,
sous étroit contrôle familial) , du groupe sino-indonésien
Lippo et lié à China Resource, une entreprise placée
sous l'autorité du ministère chinois des affaires étrangères.
De l'argent aurait été versé pour que, face au Congrès
américain, Bill Clinton défende la position de Suharto au
sujet de Timor et que, par ailleurs il maintienne les avantages commerciaux
accordés à la Chine au titre du GSP malgré ses atteintes
aux droits de l'homme.
CONCLUSION
Les mois qui précédent les élections de juin 1999
sont cruciaux et les défis à relever sont nombreux : maintien
de l'ordre public, rétablissement économique, contrôle
des provinces agitées, règlement des troubles interethniques
et interreligieux, apaisement de la fièvre électorale qui
monte. La tâche du Président Habibie est multiple. Malgré
l'immensité de ces défis, les Indonésiens ne désespèrent
pas d'un retour à la normale et à la stabilité dans
un pays renouvelé, après la phase de transition actuelle
(voir : François RAILLON, Indonésie, la réinvention
d'un archipel, Paris, La Documentation Française, 1999).
|